Forfait en jours
Mise à jour : 31 mars 2021Le risque majeur est l'annulation de la convention de forfait en jour ou sa non-application pendant une période : le salarié peut alors solliciter le paiement de toutes les heures supplémentaires qu'il a réalisées (donc toutes les heures au-delà de 35 heures hebdomadaires, majorées). Le risque pour l'entreprise d'être condamnée pour travail dissimulé ne doit pas non plus être écarté, le salarié pouvant alors réclamé le paiement de 6 mois de salaire en plus de l'amende pénale et de l'éventuel paiement d'heures supplémentaires.
Que risque l'employeur qui se fait attaquer aux prud'hommes pour non-respect des conditions de recours au forfait en jours ?
La convention de forfait en jours conclue en l'absence d'une ou plusieurs conditions de validité encourt la nullité.
L'annulation de la convention de forfait en jours entraîne sa disparition avec effet rétroactif. Autrement dit, il faut considérer que le forfait n'a jamais existé et, donc, que la prestation de travail du salarié a été réalisée dans le cadre d'un contrat de travail classique. Le salarié était donc soumis au droit commun de la durée du travail : décompte en heures, soumission à la durée légale de travail et aux dispositions relatives aux heures supplémentaires, etc.
La rémunération n'est plus forfaitaire et dépend donc du nombre d'heures effectivement travaillées : le salarié peut donc solliciter un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires effectuées Cass. soc., 4 févr. 2015, nº 13-20.891.
Quel risque encourt l'entreprise lorsque l'accord collectif ne prévoit aucun dispositif de suivi et de régulation de la charge de travail ?
Les juges considèrent qu'un forfait en jours doit être privé d'effet La convention individuelle de forfait ne s'applique pas pendant la période concernée, le salarié est considéré comme étant soumis à l'horaire collectif applicable au service. pendant toute la période durant laquelle l'employeur n'a pas rempli ses obligations en matière de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs. C'est le cas lorsque l'employeur ne met pas en œuvre les mesures conventionnelles ou légales de nature à garantir que la charge de travail du salarié reste raisonnable Cass. soc., 15 déc. 2016, nº 14-29.701 ; Cass. soc., 19 déc. 2018, nº 17-18.725 ; C. trav., art. L. 3121-65.
Dans un cas comme celui-ci, le salarié peut demander le paiement d'heures supplémentaires pour toute la période pendant laquelle le forfait était privé d'effet Cass. soc., 19 déc. 2018, nº 17-18.725.
Le salarié peut-il reprocher à l'employeur d'autres irrégularité relatives aux forfaits en jours ?
Les irrégularités dans la mise en œuvre du forfait en jours autres que celles ayant pour effet de compromettre la protection de la santé des salariés soumis à ce mode d'organisation du temps de travail ouvrent droit pour le salarié à des dommages-intérêts en raison du manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles. C'est notamment le cas lorsque l'employeur verse au salarié un salaire manifestement sans rapport avec les sujétions qui lui sont imposées C. trav., art. L. 3121-61.
Dans quel délai un salarié peut-il contester la validité de sa convention de forfait en jours ?
Le salarié est recevable à contester la validité de sa convention de forfait annuel en jours jusqu'à trois ans à compter de l'accomplissement des heures supplémentaires dont il demande le paiement C. trav., art. L. 3245-1Cass. soc., 27 mars 2019, nº 17-23.314.
Sur qui repose la charge de la preuve du temps de travail du salarié ?
Lorsqu'une convention de forfait est annulée ou bien sans effet sur une période La régulation et le suivi de la charge de travail du salarié n'étant pas assurés, la convention individuelle de forfait ne s'applique pas pendant la période concernée. , le salarié peut solliciter en justice le paiement d'heures supplémentaires pour toutes heures effectuée au-delà de 35 heures par semaine, ainsi que des dommages et intérêts pour non-respect des durées de travail maximales. Dans ce cas-là, la charge de la preuve ne repose sur aucune partie C. trav., art. L. 3171-4 ; Cass. soc., 18 mars 2020, nº 18-10.919 :
- il appartient au salarié de présenter au juge des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies
- ces éléments doivent permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments, de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié
- le juge étudie l'ensemble de ces éléments (le juge peut parfois mener des investigations).
Lorsque le contentieux porte sur le nombre de jours travaillés, la charge de la preuve est répartie entre l'employeur et le salarié :
- le salarié apporte des éléments précis sur le nombre de jours qu'il prétend avoir travaillés
- l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des jours effectivement travaillés par le salarié
- le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par le salarié et l'employeur (le juge peut parfois mener des investigations).
Ainsi la preuve n'incombe spécialement ni à l'employeur, ni au salarié : le juge ne peut pas rejeter une demande de paiement de jours travaillés en se fondant uniquement sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié, il doit examiner les éléments de nature à justifier les jours effectivement travaillés par le salarié que l'employeur est tenu de lui fournir Cass. soc., 6 juill. 2011, nº 10-15.050.
Lorsque le contentieux porte sur un licenciement pour absences injustifiées, dans lequel il est reproché au salarié de ne pas avoir travaillé le nombre de jours prévus par la convention de forfait. Les règles de preuve sont différentes :
- si le licenciement intervient pour une faute simple, la charge de la preuve repose autant sur le salarié que l'employeur C. trav., art. L. 1235-1
- si le licenciement intervient pour une faute grave, c'est à l'employeur de prouver l'existence de cette faute grave Cass. soc., 9 oct. 2001, nº 99-42.204, y compris lorsque cette faute vient sanctionner des absences injustifiées du salarié Cass. soc., 13 nov. 2019, nº 18-13.723. L'employeur doit être en mesure de prouver les absences du salarié et que ces absences n'étaient pas justifiées par la prise de congés payés, de jours de repos, par la suspension du contrat de travail, etc. En cas de doute, le juge tranche en faveur du salarié C. trav., art. L. 1235-1.
Un salarié peut-il prendre acte de la rupture de son contrat de travail ou en demander la résiliation judiciaire pour des irrégularités relatives au forfait en jours ?
Oui, le salarié peut prendre acte de la rupture de son contrat de travail ou solliciter une résiliation judiciaire. Lorsque les manquements de l'employeur à ses obligations contractuelles sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail, la rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse Cass. soc., 26 mars 2014 nº 12-23.634 ; Cass. soc., 12 juin 2014, nº 12-29.063.
L'employeur peut-il être condamné pour travail dissimulé en ayant recours au forfait en jours ?
Oui. Le recours au forfait en jours sans que ses conditions de validité soient réunies peut caractériser le délit de travail dissimulé C. trav., art. L. 8221-1, plus particulièrement par dissimulation d'emploi salarié C. trav., art. L. 8221-5 lorsque le forfait en jours permet de ne pas rémunérer un grand nombre d'heures de travail.
La reconnaissance de ce délit suppose non seulement que l'employeur ait eu recours au forfait en jours en dehors des conditions prévues par la loi, mais également que l'intention de commettre ce délit soit caractérisée.
La reconnaissance du délit de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié expose l'employeur à différentes sanctions :
- un emprisonnement de 3 ans et une amende de 45 000 € C. trav., art. L. 8224-1. Cette peine est plus lourde si l'emploi dissimulé est celui d'un mineur : elle est alors portée à 5 ans d'emprisonnement et 75 000 € d'amende C. trav., art. L. 8224-2
- en cas de rupture de la relation de travail, le salarié dont l'emploi salarié a été dissimulé par l'employeur a droit à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaire C. trav., art. L. 8223-1. Cette indemnité peut se cumuler avec les indemnités de toute nature auxquelles le salarié a droit en cas de rupture de son contrat de travail Cass. soc., 6 févr. 2013, nº 11-23.738 ou en cas de faute de l'employeur dans l'exécution de ses obligations Cass. soc., 14 avr. 2010, nº 08-43.124.
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Le forfait en jours dans l'entreprise

Codes, lois et réglementation
Code du travail, Article L. 3171-4
Code du travail, Article L. 3245-1
Code du travail, Article L. 1235-1
Code du travail, Article L. 3121-59
Code du travail, Article L. 3121-61
Code du travail, Article L. 8221-5
Code du travail, Article L. 8224-1
Code du travail, Article L. 8224-2
Code du travail, Article L. 8223-1
Jurisprudence
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 530 du 27 mars 2019, Pourvoi nº 17-23.314
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 373 du 18 mars 2020, Pourvoi nº 18-10.919
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 4132 du 9 octobre 2001, Pourvoi nº 99-42.204
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 1551 du 13 novembre 2019, Pourvoi nº 18-13.723
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 658 du 26 mars 2014, Pourvoi nº 12-23.634
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 1167 du 12 juin 2014, Pourvoi nº 12-29.063
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 55 du 15 janvier 2015, Pourvoi nº 13-17.374
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 1827 du 21 octobre 2014, Pourvoi nº 13-19.786
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 2392 du 7 décembre 2010, Pourvoi nº 09-42.626
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 1619 du 6 juillet 2011, Pourvoi nº 10-15.050
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 2333 du 15 décembre 2016, Pourvoi nº 14-29.701
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 652 du 9 mai 2018, Pourvoi nº 16-26.910
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 275 du 31 janvier 2012, Pourvoi nº 10-17.593
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 1809 du 19 décembre 2018, Pourvoi nº 17-18.725
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 1833 du 4 novembre 2015, Pourvoi nº 14-10.419
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 2231 du 15 décembre 2016, Pourvoi nº 15-17.568
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 1834 du 4 novembre 2015, Pourvoi nº 14-25.745
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 230 du 4 février 2015, Pourvoi nº 13-20.891
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 2285 du 31 octobre 2007, Pourvoi nº 06-43.876
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 582 du 5 avril 2018, Pourvoi nº 16-22.599
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 1052 du 16 juin 2015, Pourvoi nº 14-16.953